À la rencontre de Christopher Chancey
Cet article fait partie d'une série de sept portraits de créatrices et créateurs qui inspirent, publiée initialement dans le rapport annuel 2022 du FMC.
Christopher Chancey et son équipe de l’entreprise montréalaise ManaVoid Entertainment avaient envie de créer un jeu vidéo qui mettrait de la couleur dans la vie des gens, à la vie comme à l’écran.
Ils ont trouvé un concept inspiré et inspirant: un enfant doit trouver une manière de ramener les couleurs dans un monde en noir et blanc.
En octobre 2021, ils ont lancé, après trois ans de développement, le jeu de rôle Rainbow Billy: The Curse of the Leviathan, qui a instantanément charmé les joueuses et joueurs de tous âges, surtout les personnes s’identifiant comme non binaires et issues de la communauté LGBTQ+, qui sont rarement représentées dans les jeux vidéo.
«Nous avons présenté le jeu au Comiccon de Montréal pour en évaluer le succès potentiel, a déclaré le président et chef de la direction de ManaVoid, rejoint au téléphone depuis Montréal. Beaucoup de gens nous ont dit avoir aimé l'idée du recoloriage, de l’utilisation de l’arc-en-ciel comme symbole, et beaucoup de membres de la communauté LGBTQ+ nous ont dit que le jeu les faisait vibrer pour des raisons que nous n’avions pas vraiment envisagées.»
«Pour nous, le personnage de Billy était non genré, alors nous avons décidé d’y accorder plus d’importance et l’avons rendu non binaire, a-t-il poursuivi. Nous avons consulté divers·es intervenant·es, dont Annie Pullen Sansfaçon, la titulaire d’une chaire de recherche à l’Université de Montréal qui travaille avec des enfants trans, pour mieux comprendre comment fonctionne l’identité de genre chez les jeunes.»
L’équipe de M. Chancey s’est aussi assurée d’utiliser des polices adaptées pour les dyslexiques et des commandes à un manche pour que les personnes à mobilité réduite puissent aussi y jouer.
Au cœur du jeu, on trouve un enfant et ses amis qui parlent à des créatures ayant aspiré toutes les couleurs de leur monde. En faisant preuve d’empathie envers les créatures, en leur posant des questions et en les aidant à régler leurs problèmes par des conversations, des mini-jeux et divers défis, la couleur commence à revenir dans le monde. Il n’y a aucune seconde de violence dans l’aventure complète de plus de 30 heures.
«Il existe très peu de jeux de rôle sans violence, a expliqué M. Chancey. Nous nous sommes inspirés d’un article qui relevait qu’environ 83 pour cent des jeux exposés au E3 de 2019 – l’un des événements les plus importants du domaine du jeu vidéo – comportent de la violence, et nous trouvions cette statistique bien triste. Nous voulions prouver qu’il est possible de faire un jeu vidéo de grande qualité sans avoir recours à la violence.»
Cette approche a attiré l’attention du Fonds des médias du Canada, qui a octroyé du financement à M. Chancey et à son équipe pour créer le prototype du jeu.
«Je dois dire que le Fonds des médias du Canada est le meilleur financement qu’il est possible d’obtenir, a-t-il ajouté. Ils font entièrement confiance aux développeurs et leur laissent beaucoup d’autonomie pour réaliser leur vision. Et grâce à leur important appui financier, nous avons pu négocier une entente avec l’éditeur qui nous permet de conserver notre propriété intellectuelle. Tout ça grâce au Fonds des médias du Canada, qui a injecté les fonds si difficiles à trouver pour amorcer un projet.»
Pour M. Chancey, la plus grande satisfaction provient de la réaction des joueuses et joueurs de Rainbow Billy : The Curse of the Leviathan.
«Honnêtement, la réaction a été incroyable, a affirmé M. Chancey. Les gens comprennent nos intentions. Nous sommes parvenus à rejoindre les communautés que nous voulions avec le jeu. Nous voulions relever le défi de créer un jeu où il serait possible d’avoir un personnage principal non binaire sans qu’on en fasse tout un plat.»
«Et le jeu est très touchant, a-t-il poursuivi, fièrement. Nous avons vu quelques personnes sur Twitch pleurer quand elles ont terminé le jeu. Nous avons réussi à vraiment émouvoir les gens avec certains personnages. Pour un développeur de jeux, émouvoir quelqu’un aux larmes est la reconnaissance par excellence. C’était incroyable.»