À la rencontre de Gail Maurice
Gail Maurice était sur le point d’abandonner son rêve.
La scénariste, réalisatrice et actrice Métis originaire de la Saskatchewan cherchait depuis longtemps une façon de réaliser son premier long-métrage. « J’avais déjà fait neuf courts-métrages, raconte-t-elle depuis sa résidence, à Toronto. J’étais plus que prête à passer à l’étape suivante. J’essayais de trouver des fonds, mais personne ne voulait me financer. J’ai failli tout abandonner… Je n’ai rien fait pendant deux ou trois ans, puis j’ai dit : “Bon, ça va faire!" ».
En 2017, Gail Maurice, connue pour ses rôles dans les séries Cardinal, Barkskins et Trickster ainsi que dans les productions cinématographiques Night Raiders et Falls Around Her, a écrit le scénario d’un film de 12 minutes. Intitulé Rosie, ce court-métrage se déroulant dans les années 80 met en vedette une jeune orpheline autochtone qui doit aller vivre avec sa tante francophone Fred (Melanie Bray), femme débrouillarde et dégourdie, et ses deux meilleures amies à Montréal.
C’est grâce au succès remporté par cette production touchante et réconfortante que Gail Maurice a enfin pu réaliser son premier film : la version longue de Rosie. « Je voulais créer quelque chose de beau, de joyeux, dit-elle. C’était important à mes yeux que l’histoire se déroule dans les années 80, car c’est l’époque où je suis sortie du placard. Pour moi, c’était une période de joies et de découvertes. Je souhaitais aussi montrer cette époque à travers le regard d’une jeune fille. La maman de Rosie a été victime de la rafle des années 60. Je tenais à rappeler aux gens qu’on a pris des enfants, qu’on les a élevés dans des environnements difficiles à comprendre, et ce, en leur demandant de survivre et de sʼépanouir. Enfin, je voulais montrer que la fillette influence, elle aussi, la vie des adultes autour d’elle. »
Réaliser Rosie n’a pas été une tâche facile, tout particulièrement quand les protocoles liés à la COVID-19 ont été mis en place, et que les tournages ont dû être interrompus. C’est à ce moment que le FMC est arrivé dans le portrait. « Son aide a été inestimable, dit Gail Maurice.
Nous avions le financement dont nous avions besoin, mais quand la pandémie a frappé, des dépenses se sont ajoutées. Nous avons déposé une demande de soutien d’urgence au FMC, ce qui nous a permis de poursuivre le travail. »
Lancé à l’occasion du 47e Festival international du film de Toronto (TIFF) en 2022, Rosie sʼest hissé au top 10 concocté par lʼorganisation. La même année, il a également reçu le prix du public au festival imagineNATIVE, alors que Gail Maurice a reçu, un an plus tard, le prix de la meilleure réalisatrice au Vancouver International Women in Film Festival.
Gail Maurice se souvient d’avoir été très émotive lorsqu’elle a assisté à la projection de Rosie au TIFF en compagnie de Melanie Bray, une des vedettes du film et sa conjointe dans la vie. « J’ai écrit le rôle de Fred pour elle, révèle-t-elle. En plus d’avoir été ma coproductrice, elle s’est chargée de la distribution. À la projection, nous nous sommes regardées et nous avons pleuré. »
Ça aura été payant pour Gail Maurice de croire en ses rêves. « J’espère tourner mon prochain long-métrage, Blood Lines, l’an prochain. Je planche aussi sur une série humoristique », glisse-t-elle.
Même si son parcours de « battante » n’a pas été un long fleuve tranquille, Gail Maurice n’a pu refouler son besoin de créer. « J’ai déménagé à Vancouver quand j’avais à peu près 20 ans. Un jour, après avoir vu des camions alignés, j’ai demandé à un professionnel ce que son équipe était en train de faire. Il m’a répondu : “Nous tournons un film”, et j’ai dit : “Oh, est-ce que je peux jouer dedans ?” À partir de ce moment, je suis devenue accro. »
Par Ingrid Randoja Cet article a été initialement publié dans le Rapport annuel 2022-2023 du Fonds des médias du Canada.