À la rencontre de Jean-Christophe Réhel
On ne parle pas de la maladie avec humour et humanité en criant ciseau. Pourtant, c’est ce quʼarrive à faire judicieusement lʼauteur de la série Lʼair dʼaller, Jean-Christophe Réhel, lui-même atteint de fibrose kystique.
Après avoir abordé ce sujet dans son livre semi-autobiographique Ce quʼon respire sur Tatouine, le créateur voulait offrir une bouffée de fraîcheur sur les écrans québécois.
« Tout a commencé dans une salle dʼattente dʼhôpital, explique-t-il en entrevue en repensant à la genèse de son tout premier projet dʼécriture pour la télévision. Jʼai vu deux personnes atteintes de fibrose kystique qui niaisaient et racontaient des jokes. Je les trouvais belles de rire comme ça. Jʼétais jaloux de leur amitié. »
Lʼamitié et la solidarité sont ainsi à la base de Lʼair dʼaller, première œuvre de fiction produite par URBANIA et présentée sur Télé-Québec. Malgré leur condition précaire liée à la maladie, les personnages de Katrine (Catherine St-Laurent), Gabriel (Antoine Olivier Pilon), Jimmy (Joakim Robillard) et Cindy (Noémie Leduc-Vaudry) tentent de vivre normalement leur jeunesse, s'adonnant même, dès le premier épisode, à une séance de champignons magiques.
Cʼest cette douce folie qui confère une originalité certaine au récit, récipiendaire du Prix des étudiants pour la meilleure série courte au festival CANNESERIES. « Cʼest la beauté de Lʼair dʼaller, note son créateur. Les malades sont plus heureux et vivants que les gens en santé. »
Un sentiment exacerbé par le ton utilisé, à la fois ludique et dramatique, porté par une plume sensible baignée dans la culture populaire. Un traitement jamais déprimant qui, de prime abord, pouvait faire peur.
« Arrêter lʼapitoiement du sort a été mon premier cheval de bataille, révèle Jean-Christophe Réhel. Je voulais que les malades soient en plein contrôle de leur destin. Ces personnes sont belles, heureuses et confiantes malgré tout. Elles peuvent trouver le bonheur même si la mauvaise chance sʼabat sur elles. »
Avec le soutien du Fonds des médias du Canada, le scénariste a pu voir sa vision se matérialiser à l'écran, troquant la solitude de lʼécriture pour une expérience collective collaborative.
« Du producteur au diffuseur, en passant par la réalisatrice, les costumiers et lʼéquipe de tournage, tout le monde met son grain de sel, et cʼest ce qui est si beau, avoue celui qui vient de publier son second roman. Au final, cʼest presque un miracle de voir ce truc-là exister. »
La deuxième saison de Lʼair dʼaller doit être diffusée au printemps prochain. Selon son auteur, elle confrontera ses personnages à leur plus grand défi : la vie.
« Dans la première saison, ces jeunes personnes étaient condamnées à mourir. Avec lʼarrivée dʼun médicament miracle, elles sont condamnées à vivre. Toutes leurs priorités changent. Malheureusement, Jimmy ne va pas avoir les bons gènes pour les médicaments. Il devra affronter lʼéventualité d'une greffe pulmonaire. Il va dépérir, alors que les autres membres du groupe, en santé, regarderont vers le futur. »
Par Martin Gignac. Cet article a été initialement publié dans le Rapport annuel 2022-2023 du Fonds des médias du Canada.