CBC Listen: nouvelles habitudes, nouveau modèle
La radio en direct a été normalisée au cours de la première moitié du 20e siècle et demeure, pour plusieurs, la méthode de prédilection pour suivre l’actualité. Cependant, la montée en popularité de nouveaux formats a pour effet d’offrir aux générations, jeunes comme plus vieilles, davantage de façons de consommer l’information. Sruti Islam offre un coup d'œil au modèle adopté par CBC Listen.
Comme rapporté dans l’étude Infinite Dial 2019 Canada, plus du quart des adultes canadiens possèdent un haut-parleur intelligent et 36% d’entre eux écoutent des balados mensuellement. Une question s’impose dans ce contexte: comment faciliter l’accès au contenu audio à des publics diversifiés, et ce sur des plateformes variées?
Dans un tel cadre, le lancement de CBC Listen en octobre 2019 ― une appli qui combine un mode de consommation traditionnel (radio en direct) et un mode plus contemporain (diffusion continue de balados) ― semblait donc inévitable. La CBC n’est pas seule à entreprendre cette transition. En effet, Radio-Canada a récemment lancé OHdio, une appli qui combine l’offre de radio en direct de Radio-Canada et son catalogue de balados.
CBC Listen en quelques mots
CBC Listen est clairement une réponse à des habitudes de consommation médiatique émergentes. Celle-ci ratisse large et unit une panoplie de publics diversifiés, incluant ceux qui sont habitués aux formats plus traditionnels et ceux qui grandissent avec des options plus contemporaines.
D’affirmer Kevin Siu, directeur principal de la stratégie numérique et responsable de l’appli CBC Listen: «Nous avons identifié un créneau dans le marché pour une appli qui permettrait d’écouter la radio en direct, soient CBC Radio One et CBC Music, d’écouter en rafale des balados récompensés ou de faire jouer une de nos 200 listes de lecture, le tout dans un seul endroit.» L’appli met l’accent sur le contenu préparé par la CBC et offre un format de contenu audio canadien «tout-en-un.»
Bref, CBC Listen regroupe l’ensemble de l’offre audio de la CBC dans un seul endroit. Les utilisateurs ont accès gratuitement à des listes de lecture, balados et signaux de radio en direct. À l’instar d’autres services du genre, l’appli peut être personnalisée et offre la possibilité de mettre un épisode ou une chanson en réserve en vue d’une écoute ultérieure, une fonction clairement conçue pour cadrer dans les nouvelles habitudes d’écoute.
Comment le contenu est-il touché par ce changement de format?
Siu confirme que l’objectif visé en lançant l’appli a été de donner aux utilisateurs un accès rapide au contenu qu’ils aiment. La montée en popularité des balados, combinée à la popularité soutenue de la radio en direct, suggère que les utilisateurs s’adaptent à de nouveaux formats tout en demeurant fidèles aux plus établis. Le dilemme relève alors davantage d’une question d’accès que d’une question de contenu.
Siu affirme que CBC Listen démontre la réactivité de la CBC ainsi que l’attention qu’elle accorde aux désirs de ses auditeurs. L’appli marque aussi un virage en matière de contenu, qui n’est plus dicté par seulement une préférence de format, mais tient aussi compte de ce que les auditeurs souhaitent entendre. «Nous sommes continuellement à l’écoute de nos auditoires. Nous voulons savoir ce qui les intéresse, ce qu’ils recherchent et ce qui les émeut. Nous avons établi qu’il existait un marché pour des balados canadiens et avons commencé à investir dans ce type de contenu il y a quelques années. CBC Podcasts est aujourd’hui le premier baladodiffuseur en importance au Canada, avec 11,4 millions de téléchargements en moyenne par mois, dont des titres populaires comme Uncover, Someone Knows Something, Hunting Warhead, Front Burner et Under the Influence. Je ne pense pas que l’appli modifiera les contenus directement. Elle nous aidera, toutefois, à mieux comprendre celles et ceux qui les écoutent», explique Siu.
«La montée en popularité des balados, combinée à la popularité soutenue de la radio en direct, suggère que les utilisateurs s’adaptent à de nouveaux formats tout en demeurant fidèles aux plus établis.»
Siu ajoute une confirmation: «Nous misons sur le développement des auditoires de CBC Listen et continuerons d’améliorer l’expérience qui leur est offerte afin qu’ils puissent facilement trouver leurs émissions et listes de lecture et les écouter peu importe où. Nous voulons ajouter les fonctionnalités qu’ils réclament. Il y a beaucoup à faire, mais nous n’avons aucune intention de modifier la distribution du contenu.»
En réponse au marché ou aux publics?
Plusieurs soutiennent que les besoins des marchés et les besoins des auditoires s’excluent mutuellement mais, comme le souligne Siu, ce n’est pas nécessairement le cas. En fait, les marchés s’adaptent aux besoins changeants de leurs auditoires. La combinaison d’expériences que propose CBC Listen reconnaît que différents auditoires préfèrent différents formats pour différentes raisons. Donc, pourquoi ne pas rendre tous les formats accessibles dans la pleine mesure du possible? «Je dirais que la diffusion radiophonique et l’écoute de balados ne sont pas des habitudes qui s’excluent mutuellement. Ça dépend de l’heure du jour et du jour de la semaine. Si des auditeurs souhaitent comprendre le Canada et le monde, si les récits canadiens les intéressent, s’ils veulent savoir ce qui se passe à St. John’s ou à Yellowknife ou encore à Victoria, ils peuvent ouvrir l’appli et obtenir tout cela en temps réel ou sur demande», dit Siu.
Il est rafraîchissant de savoir que Siu reconnaît aussi les géants de la diffusion en continu de notre époque. Il n’est pas sans savoir que Spotify a énormément gagné en popularité, par exemple, et il ne nie pas que CBC Listen soit la preuve de cette reconnaissance. «Spotify et d’autres ont certainement créé un marché pour des services audio diffusés en continu», affirme-t-il, tout en faisant valoir que les auditoires grandissants de la CBC elle-même sur toutes les plateformes ont révélé un intérêt global pour les programmes qu’elle propose. «Nous avons eu des applis distinctes pour la radio et la musique, chacune ayant ses propres auditoires. Nos balados ont enregistré une croissance exponentielle et nous avons un auditoire international considérable sur de tierces plateformes comme TuneIn. De nombreux indices indiquaient que nous pourrions accroître l’auditoire de nos contenus numériques, si nous facilitions cette croissance.»
De plus, au lieu de considérer un déplacement d’audiences comme une perte encaissée par un format au profit d’un autre, Siu fait valoir que notre culture actuelle a vraiment contribué à diversifier les modes d’écoute et, donc, à élargir les auditoires eux-mêmes. «L’audio numérique soulève bien des passions en ce moment. Le contenu est plus intéressant que jamais. Il est plus facile que jamais pour les auditeurs d’écouter ce qu’ils veulent, quand et où ils le veulent. Les plans de données mobiles sont moins chers. Vous pouvez choisir comment vous voulez écouter le contenu: en direct, sur demande, hors ligne. Contrairement à la vidéo ou au texte, vous pouvez consommer l’audio à la fois activement et passivement. Si vous êtes un auditeur ― et c’est le cas de la plupart d’entre nous ― c’est une moment très intéressante.»
«CBC Listen n’est pas seulement une appli ou encore une appli et un site Web pour nous. C’est l’arc de la journée d’écoute de la personne.»
Nous avons demandé à Siu où l’appli serait rendue dans deux ans selon lui. «CBC Listen n’est pas seulement une appli ou encore une appli et un site Web pour nous. C’est l’arc de la journée d’écoute de la personne. Cette dernière commence peut-être sa journée en écoutant du contenu sur un haut-parleur intelligent, puis écoute l’émission locale du matin de la CBC en route vers le boulot. Elle écoute ensuite nos listes de lecture au travail, puis peut-être un épisode de Somebody Knows Something pendant le lunch, et The World at Six sur le chemin du retour. En soirée, elle fait jouer un épisode de Story Store pour ses enfants avant de les mettre au lit, et se détend peut-être en écoutant une autre liste de lecture (Classical Serenity!) pour s’endormir. Le but est de faire partie de la journée des auditeurs.»