Comment et pourquoi des créateurs restent au Canada
Pour nombre de professionnels de l’industrie de la création au Canada, une des définitions du succès depuis longtemps est le fait de réussir non seulement au Canada, mais aussi à l’étranger et aux États-Unis en particulier. Pour cela, ça prend un visa et un agent à Los Angeles ou à New York, puis la possibilité de passer quelques mois par année au sud de la frontière afin de pouvoir vous vanter que vous divisez votre temps entre [insérer le nom d’une ville canadienne ici] et Los Angeles ou New York.
Alors que certains aspirent au rêve de travailler des deux côtés de la frontière, plusieurs autres options sont envisageables, étant donné qu’un nombre croissant de créateurs canadiens peuvent demeurer et prospérer au pays. « Au cours de mes 37 ans dans l’industrie, je n’ai travaillé que quelques fois à l’extérieur du Canada, révélait le Torontois et réalisateur récipiendaire d’un Oscar J. Miles Dale (The Shape of Water) dans le cadre d’une entrevue publiée dans le numéro de l’automne 2018 d’Indiescreen. Et, aujourd’hui, après 20 ou 30 ans à apprendre des meilleurs, je pense que nous avons atteint un très haut niveau. Nous pouvons affirmer que nous figurons parmi les meilleurs. » Bien que le long métrage réalisé par Guillermo del Toro ne soit pas reconnu comme contenu canadien, Dale fait valoir que la production « est presque totalement canadienne » et se fait un point d’honneur de mentionner que plusieurs rôles clés au sein de l’équipe de production canadienne – conception de costumes, design artistique, son – ont été occupés par des personnes nominées pour un Oscar.
Le Canada, « le pays à un milliard de dollars »
Travailler localement et de vendre mondialement: un défi de taille
Cette année, un certain nombre de panels à la TIFF Industry Conference ont porté sur l’engouement suscité par la multiplication des productions canadiennes, qu’il s’agisse d’émissions télédiffusées, de longs métrages ou de productions de portée mondiale diffusées en continu par Netflix et Hulu, par exemple. Aussi, les services de diffusion en continu sont rapidement en train de devenir la nouvelle télévision. Par conséquent, produire des émissions et des films pour des auditoires internationaux est la nouvelle norme qui ouvre la porte à une foule de nouvelles possibilités.
Alors que, jadis, les réalisateurs canadiens pouvaient espérer joindre entre 100 000 et 1 million de téléspectateurs dans le cas d’une émission télédiffusée à l’échelle nationale, aujourd’hui, un succès distribué sur une plateforme mondiale a le potentiel d’être vu par des dizaines de millions de personnes. Et des créateurs canadiens se montrent à la hauteur du défi. Corie Wright, directrice de la politique publique mondiale de Netflix, a récemment affirmé ceci dans le cadre d’une entrevue: [TRADUCTION] « Anne, Alias Grace, Travelers, Frontier, Between, Degrassi: Next Class, Orphan Black et Some Assembly Required représentent tous des contenus canadiens certifiés et nous, chez Netflix, avons choisi d’investir dans ces productions parce que nous jugions qu’elles racontaient de formidables histoires que nos membres adoreraient. Nous n’y avons pas investi pour satisfaire à une recommandation gouvernementale. […] Nous sommes une multinationale qui est à la recherche d’histoires universelles et de personnages qui transcendent les frontières nationales et linguistiques. Les Canadiens sont déjà très talentueux à cet égard. »
Bien que personne ou presque ne soit surpris d’apprendre que des émissions comme Anne with an E et Alias Grace connaissent un succès planétaire, de nombreuses productions canadiennes se méritent une attention internationale et des éloges mondiaux. Jocelyn Hamilton, président de la division canadienne de télévision d’Entertainment One, a offert quelques exemples précis de ce phénomène pendant un panel de la TIFF Industry Conference (2018): la dramatique juridique canadienne Burden of Truth s’est classée au premier rang des émissions les plus populaires sur les ondes de CW Network aux États-Unis, tandis que Private Eyes, mettant en vedette Jason Priestley dans le rôle de Matt Shade, un ancien joueur de hockey devenu détective, est diffusée dans 110 territoires sur la planète. [TRADUCTION] « Nous pouvons fièrement filmer avec des points d’attrait comme la Tour CN en arrière-plan, a plaisanté Hamilton. Nous n’avons plus besoin d’être Chicago ou New York, nous pouvons être nous-mêmes. » Cependant, une grande visibilité est assortie d’une grande responsabilité. « Nous devons désormais viser l’excellence, car se contenter d’être “bon” ne suffit tout simplement plus », a-t-il pris soin d’ajouter.
Le segment des longs métrages canadiens bénéficie également des services de diffusion en continu, qui offrent la possibilité de présenter des histoires d’ici à la planète entière et de rejoindre des auditoires dans les régions rurales du pays. Pendant un panel du TIFF intitulé « How Canadian producers are making it work » (ce que font les réalisateurs canadiens pour que ça fonctionne), la scénariste, réalisatrice et directrice Darlene Naponse, dont le plus récent long métrage – Falls Around Her – a été présenté en première au TIFF, a partagé son expérience personnelle de la valeur de Netflix et d’autres plateformes de diffusion en continu sur demande pour les communautés autochtones dans les régions non urbaines. « Ces communautés sont situées à des heures de route des salles de cinéma les plus proches et captent un nombre limité de postes de télé diffusés. Les services de diffusion en continu leur donnent donc accès à des films qu’ils ne pourraient pas voir autrement. Ces services leur permettent également de se voir entre elles. » La réalisatrice Jennifer Shin a fait valoir les autres avantages qu’elle perçoit depuis l’arrivée de services comme Netflix. « Le modèle a été perturbé et à la fois les acheteurs et les distributeurs sont devenus plus conservateurs. Cela mène à une concurrence accrue et force les artistes à repousser leurs limites. »