Dix réflexions sur les communautés et le financement participatif

Développer et entretenir une communauté autour d’un projet de financement participatif est non seulement recommandé, mais aussi primordial si le but visé est de maximiser les chances de succès de sa campagne. Voici dix réflexions sur les communautés et le financement participatif.

Il existe différents types de communautés

Avant d’essayer de bâtir une communauté, il importe de déterminer de quel genre de personnes elle est constituée. « Pour moi, il y a trois grands volets à une communauté : les amateurs qui s’intéressent à ce que vous faites, la famille et les amis qui vous soutiennent parce qu’ils vous aiment et les autres créateurs », soutient Astrid Rosemarin, gestionnaire de communauté pour Execution Labs, un accélérateur montréalais spécialisé dans les jeux vidéo.

Chaque communauté peut avoir sa propre identité et ses propres besoins, selon le projet dont il est question.

Les communautés sont importantes dans tous les secteurs

Si les communautés sont populaires dans le vocabulaire des studios de jeux vidéo, les autres types de projets culturels doivent bâtir la leur. Jason Leaver, l’auteur de la série Web Out With Dad, n’a d’ailleurs pas hésité à affirmer en entrevue accordée au Fonds des médias du Canada (FMC) que « la chose la plus importante pendant une campagne de financement est de créer une communauté ».

Il faut avoir une communauté AVANT de lancer sa campagne

« Ne lancez pas de campagne sur Kickstarter avant d’avoir bâti une communauté », a affirmé le président du studio de jeux vidéo Art Craft Entertainment, Gordon Walton, lors d’une présentation à la Game Developers Conference (GDC) 2016 à San Francisco.

De l’avis de ce dernier, beaucoup trop de créateurs croient à tort que les plateformes de financement participatif leur permettront de créer une communauté de toute pièce. Ces plateformes seraient plutôt des « multiplicateurs qui permettent seulement de bâtir sur une communauté existante ».

Même son de cloche du côté d’Alexis Kennedy, cofondateur du studio Failbetter Games. « Si vous pensez lancer une campagne de financement participatif en 2016 sans en parler à personne au préalable, frappez votre tête sur le comptoir jusqu’à ce que cette envie se dissipe », a lancé le créateur du jeu Sunless Sea dans le cadre d’une autre présentation à la GDC 2016.

Combien de personnes sa communauté doit-elle compter avant de démarrer une campagne? Tout dépend du projet et du financement visé. Dans le cas d’Art Craft Entertainment, le studio avait réuni une communauté de 50 000 personnes avant de demander 800 000 $ sur Kickstarter en 2015. Le studio a fini par lever plus de 1 766 204 $US en un mois pour son jeu Crowfall.

« C’est important d’avoir beaucoup de personnes, car seulement un petit pourcentage de celles-ci vont nous aider. Les grands studios n’obtiennent que 10 % de ventes en commandes anticipées pour leurs jeux AAA. Pour notre part, nous demandons aux gens de nous donner leur argent deux ans à l’avance. Quel pourcentage de notre communauté va nous aider? 1 %? Une chose est sûre, ce n’est certainement pas 10 % », réfléchit à voix haute Gordon Walton. Bref, mieux vaut pouvoir compter sur une grande communauté.

Bâtir une communauté demande de la planification

« La meilleure façon de bâtir une communauté est de commencer longtemps à l’avance », juge Astrid Rosemarin. C’est une opinion partagée par Gordon Walton, dont le studio a même planifié une précampagne de 60 jours pour attiser la curiosité des amateurs de jeux vidéo.

« Nous avons rédigé un manifeste qui identifiait les problèmes avec le type de jeu que nous voulions lancer et nous avons créé un compte à rebours pour indiquer quand nous dévoilerions notre solution pour régler ces problèmes. Nous avions aussi publié des bribes d’information au fil du temps et offert des accès à des versions bêta de notre jeu. Tout était planifié », se rappelle le développeur.

Il faut laisser l’orgueil de côté quand vient le temps de communiquer avec sa communauté

« C’est difficile, mais c’est important de quémander de l’argent à tous vos proches et même aux gens que vous n’avez rencontrés qu’une seule fois. Il ne faut pas avoir d’orgueil », estime Gordon Walton.

Pour ce dernier, le montant du don lui-même n’est pas important; c’est le moment de la contribution qui compte. « Le don peut n’être que d’un dollar, mais il faut que ce soit la première journée, car c’est la journée la plus importante », précise-t-il. Une bonne première journée de campagne permet non seulement de donner une bonne impression aux amateurs potentiels, mais aussi d’obtenir de la visibilité des plateformes de financement participatif.

« J’ai 50 amis n’ayant aucun intérêt pour le jeu vidéo qui m’ont aidé. Ils l’ont fait la première journée, parce que je les ai suppliés de le faire », confie le développeur.

Les autres créateurs peuvent aider à faire croître la communauté

Les autres créateurs s’avèrent souvent d’importantes ressources pouvant être mises à contribution pour faire croître une communauté. « Nous faisons souvent la promotion d’autres jeux par le biais de notre liste d’envoi, et d’autres studios font la promotion de notre jeu dans la leur », explique Gordon Walton. Pour Astrid Rosemarin, les autres développeurs peuvent parfois même à eux seuls permettre d’obtenir une bonne première journée pour sa campagne de financement participatif.

Les experts des communautés doivent être traités avec soin

Selon Gordon Walton, certains membres des communautés sont plus importants que d’autres. « Vous devez trouver et encourager vos experts. Ce sont ceux qui parlent beaucoup et qui ont de l’influence », explique-t-il.

Ces experts peuvent rapidement devenir des ailiers importants, vous aidant à transmettre les messages et même à répondre aux questions des autres. « Une fois que vous les avez identifiés, vous pouvez leur demander leur opinion en privé, leur offrir des accès à vos nouveautés avant les autres et leur donner de l’attention », ajoute le président d’Art Craft Entertainment.

Il faut communiquer constamment avec sa communauté

« Pendant notre campagne, nous envoyions des informations à notre communauté pratiquement tous les jours », explique Gordon Walton. Pour le développeur, ces messages, planifiés à l’avance, n’étaient toutefois qu’une petite partie de tout le travail à accomplir.

« Le jour du lancement de notre campagne sur Kickstarter, nous avons reçu 419 questions. En moyenne, nous en avions 303 par jour pendant toute la durée de la campagne, dévoile-t-il. Et on ne peut se permettre un délai de 24 heures pour répondre à ces questions. Il faut y répondre idéalement en 15 minutes ou moins, à la limite en quelques heures. C’est donc un travail à temps plein », prévient-il.

Il est important de s’occuper de sa communauté après la campagne de financement

Cette communication ne s’arrête pas à la fin d’une campagne de financement. « Il est vraiment important de continuer à communiquer après la campagne pour maintenir son élan », estime Astrid Rosemarin. En plus d’avoir financé votre projet, votre communauté pourrait maximiser sa visibilité au moment de son lancement, à condition qu’elle soit encore intéressée.

Pour la gestionnaire de communauté d’Execution Labs, le type de communauté peut alors influer sur le type de messages et les activités à privilégier.

« Pour une communauté qui aime la diffusion de jeux vidéo en direct, il est par exemple possible d’organiser une séance de diffusion via Twitch toutes les semaines avec les développeurs. Pour une communauté plus artistique, quelqu’un pourrait par exemple organiser des concours sur des sites qui permettent de présenter son portfolio », ajoute-t-elle.

Le créateur de la série Out With Dad, Jason Leaver, permet pour sa part à ceux qui le financent de le suivre en direct pendant qu’il monte sa série et même de recevoir ses scénarios à l’avance.

Une communauté peut contribuer à l’amélioration d’un projet

Enfin, une communauté n’est pas qu’une façon d’obtenir de l’argent. « Votre communauté peut vous fournir de la rétroaction sur votre jeu, vos communications, votre concept. Et cette rétroaction est importante. Elle est en fait aussi importante que l’argent que les membres de votre communauté vous envoient », croit Alexis Kennedy.

Une communauté vivante peut aussi avoir un autre avantage insoupçonné, juge Astrid Rosemarin, soit un effet positif sur le moral des troupes. « Faire un jeu vidéo prend beaucoup de temps : plusieurs mois, parfois plusieurs années. Avoir une communauté enthousiaste autour de son studio et de ses jeux peut donc vous insuffler de l’énergie créative. »


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