L’approche entrepreneuriale à la narration transmédia
Il n’y a rien d’innovateur dans le concept de la production transmédia comme modèle de créativité et modèle d’entreprise. Il y a un siècle, les pionniers du cinéma utilisaient déjà une approche transmédia pour raconter des histoires. Cependant, les auditoires d’aujourd’hui ont la possibilité de choisir le contenu qu’ils veulent regarder, le moment où ils veulent le regarder et l’appareil qu’ils veulent utiliser pour le regarder.
Par Nuno Bernardo (MIP Blog)
Les auditoires contemporains s’attendent à un accès au contenu de leur choix à tout moment. Dans le contexte d’un marché plus restreint partagé entre des auditoires de plus en plus fragmentés, le transmédia représente une alternative viable à l’industrie conventionnelle de la production télévisuelle et cinématographique.
Pour jouer leur rôle dans cette révolution numérique, les producteurs d’émissions de divertissement devront apprendre à maîtriser de nouvelles compétences en matière de développement, de marketing et de distribution. Cependant, la multitude de plateformes et de formats qui s’offre aux producteurs transmédia peut s’avérer à la fois une source de grande exaltation et un poids très lourd à porter. Du début à la fin de la phase initiale du développement d’un projet, créer et lancer tous les éléments transmédia en simultané peut s’avérer extrêmement coûteux.
La première difficulté à laquelle vous ferez face sera donc de trouver le capital de démarrage nécessaire pour élaborer et lancer les éléments initiaux de votre œuvre. De tels projets s’étendent habituellement sur plusieurs plateformes, tandis que la plupart des financiers refuseront de financer un projet sur plus d’une plateforme à la fois. Même si l’approche transmédia est de plus en plus « agnostique » par rapport aux plateformes, le processus de mise en service demeure axé sur les appareils. Les producteurs transmédia doivent donc apprendre à tirer le meilleur profit possible du modèle d’entreprise qui convient à leur approche.
Cela ne signifie pas pour vous l’obligation d’élaborer à vous seuls un modèle d’entreprise transmédia, mais vous devrez être prêts à travailler au sein d’une industrie qui prône manifestement le financement de plateformes individuelles. Divisez votre modèle de financement transmédia global en différentes plateformes et ne faites la promotion que de l’élément cinématographique de votre projet lorsque vous approchez un bailleur de fonds. Au moment d’approcher un développeur de jeux ou un diffuseur, assurez-vous d’axer votre présentation sur le jeu ou la série dont vous faites la promotion.
Chez beActive, nous avons élaboré une stratégie de financement qui répartit notre modèle de production entre les plateformes de sorte à ce que des bailleurs de fonds potentiels sauront répondre à notre pitch. Nous préparons de trois à quatre pitchs différents pour chacune de nos œuvres, soit un par plateforme. Chaque présentation met l’accent sur un aspect particulier du projet global, lequel s’harmonise avec les objectifs et les attentes d’un bailleur de fonds donné. Envisagez votre plan transmédia comme un escalier. Pour éviter de perdre de vue l’essentiel de l’une ou l’autre de vos présentations de vente, divisez chaque élément formant le « portrait d’ensemble » en des étapes propres à la plateforme. Ainsi, vous vous assurerez d’avoir en main une présentation claire et précise au moment d’approcher un radiodiffuseur ou télédiffuseur, un éditeur ou une compagnie de jeux.
Si vous présentez l’ensemble des éléments constituant votre plan d’un seul coup, vous laissez sous-entendre que chaque plateforme a une importance égale. Bien que votre plan global puisse vous sembler très enlevant, si vous présentez le portrait d’ensemble à un diffuseur, vous risquez de créer un malaise chez vos bailleurs de fonds potentiels. Ces derniers n’auront probablement jamais produit quelque chose de l’envergure que vous proposez et ne sauront pas trop comment s’y prendre. Donc, au lieu d’essayer de les séduire en leur présentant l’ensemble du portrait, organisez plutôt votre présentation pour qu’elle cadre bien avec les attentes de vos financiers. Ensuite, gagnez leur confiance en intégrant votre générique de production dans leur format. Votre but est de présenter cet élément de votre œuvre globale le plus favorablement possible.
Bien qu’il n’existe aucun cadre formel pour l’échange produit-fonds standard dans le monde du transmedia, il y a des précédents dans l’industrie pour ce qui est du financement des projets s’étendant sur plusieurs plateformes. En termes simples, ce modèle d’entreprise vise à générer des sources directes de revenu provenant de vos annonceurs et de vos auditoires. Il ne s’agit aucunement d’une stratégie commerciale innovatrice; c’est plutôt la méthode que les diffuseurs traditionnels utilisent depuis des années.
Gardez à l’esprit que cette stratégie requiert un investissement à long terme et ne produira probablement pas aucun rendement immédiat en termes de dollars. Cependant, elle vous assurera de tirer des bénéfices de vos projets à long terme en générant des profits durables de sources indépendantes. Matière à réflexion : très peu de personnes accordaient de la crédibilité aux pionniers du cinéma qui tentaient de créer un nouveau format. À l’époque où le format n’en était qu’à ses premiers balbutiements, les critiques ne le prenaient pas au sérieux. Le cinéma n’était alors considéré comme guère plus qu’une ramification éphémère du vaudeville. Cent ans plus tard, les producteurs explorent de nouvelles plateformes numériques en ligne. À l’instar des grands financiers des studios hollywoodiens du 20e siècle, les pionniers des nouveaux médias ont aujourd’hui la possibilité de populariser l’art numérique.