Maxime D-Pomerleau: superhéroïne de la culture
En 2013, Maxime D-Pomerleau a émergé dans le paysage médiatique québécois grâce à Batwheel, un court métrage sur une superhéroïne en fauteuil roulant, dont elle était la vedette et la coscénariste. Depuis, elle a intégré une compagnie de danse professionnelle, joué dans un film d’Anaïs Barbeau-Lavalette et foulé les planches du Théâtre d’Aujourd’hui. Une série d’opportunités qu’elle a accueillies à bras ouvert, même si le cinéma est plus que jamais dans sa mire.
Lorsqu’on la questionne sur son futur, Maxime répond qu’elle souhaite continuer ses projets artistiques en danse, au cinéma et à la télévision. Puis, elle parle d’ambition. «Je rêve d’être présente dans cette industrie pour faire avancer les questions de représentation et encourager les gens à développer un regard critique sur la présence des personnes handicapées en fiction et dans les médias.»
Ne lui parlez toutefois pas d’un plan de carrière ni d’accomplissements prévus pour les cinq prochaines années. «J’en ai dans ma tête, mais c’est trop anxiogène de les nommer. Je peux dire que j’ai le désir que mon premier court métrage documentaire soit diffusé, mais même ça, je trouve ça vraiment stressant. Je dois absolument m’éloigner du résultat fini pour dégager de l’espace dans mon esprit et travailler.»
Néanmoins, un constat s’impose: le court métrage, c’est ce qui la fait le plus vibrer dans le septième art. «J’ai fait mon éducation cinématographique grâce au festival Regard sur le court métrage de Jonquière, dit l’artiste née dans la municipalité qui fait désormais partie de Ville Saguenay. J’ai commencé à fréquenter l’événement en première secondaire et je suis super fière de voir où il est rendu. Encore aujourd’hui, le format court me parle et me nourrit beaucoup.»
Spécialement le volet documentaire. Une passion héritée de ses nombreuses chroniques et interventions dans les médias. «Avec les années, j’ai développé un bagage journalistique et je me sens plus proche de cette forme-là pour prendre les commandes.»
La polyvalence dans le corps
À 12 ans, l’adolescente a également fait ses débuts en improvisation. «J’ai aimé ça, mais l’impro vient avec la pression de trouver en vingt secondes ce que tu veux faire. Moi, je préférais construire l’histoire et un personnage plutôt que de chercher à puncher.»
Son cours d’art dramatique, suivi durant sa dernière année du secondaire, lui a permis de savourer l’analyse de textes, le développement de personnages et l’analyse critique. «J’adorais découvrir les styles et les écoles de jeu. Ça venait nourrir mon intellect.»
Avide de culture et dotée d’une grande curiosité, Maxime a poursuivi sa route au Cégep de Jonquière dans le programme Arts et Lettres, profil cinéma et communications, avant d’étudier en production théâtrale dans la même institution. «J’aimais être derrière la caméra, réfléchir à la direction artistique, participer à la production d’une pièce, à la confection des costumes et du maquillage. Au cégep, j’ai aussi réalisé que j’aimais organiser des shows et des tournois d’improvisation, ainsi que des spectacles multidisciplinaires. »
Bien qu’elle imaginait alors faire sa place dans l’événementiel dans le domaine de la culture, le milieu lui renvoyait l’image que les personnes handicapées comme elle n’y avaient pas leur place. «Je pourrais parler des nombreuses infrastructures culturelles qui ne sont pas accessibles aux personnes en fauteuil roulant, mais ça va plus loin que ça: je ne voyais personne en situation de handicap travailler dans la culture. Quand je travaillais pour le Festival des arts de la marionnette ou le Centre national d’exposition du Mont Jacob à Jonquière, j’étais la seule personne handicapée. »
Envers et contre tout
Ses expériences sont indubitables, mais la vie semble vouloir contredire la Saguenéenne d’origine en lui ouvrant sans cesse des portes. Prenons par exemple le court métrage Batwheel: sans que le moindre communiqué de presse ne soit envoyé aux médias, Maxime a été invitée à l’émission de Catherine Perrin sur Ici Première pour parler du projet avant que le montage ne soit terminé. «On a vraiment été plongées dans quelque chose de plus grand que nous.»
Le «on» fait ici référence à elle et Jessy Poulin, la réalisatrice et coscénariste du film, qu’elle a rencontrée au cégep. Quelques années plus tard, Jessy travaillait dans le milieu du cinéma et voulait faire ses propres projets, ce qui l’a poussée à demander à son amie de jouer dans son court métrage.
Tourné en une journée avec les moyens du bord, le film illustre en deux minutes la vie d’une superhéroïne en fauteuil roulant. «C’était une blague, mais les gens à qui on l’a montré nous ont dit qu’on avait vraiment un bon personnage et que le film arrivait à les faire rire et réfléchir.»
Prenant soudain conscience qu’elles tenaient un bon filon, les deux créatrices ont tourné en 2012 une version plus longue et plus peaufinée. «On s’inspirait des dessins animés et des films de superhéros à la Tim Burton, en faisant des clins d’œil aux vieux Batman et en assumant un côté broche à foin.»
Le film a fait parler de lui… et de Maxime. L’année suivante, elle a reçu une invitation à venir danser de la part de France Geoffroy, la défunte fondatrice et directrice de Corpuscule Danse. «Je m’enlignais plus vers le cinéma, mais je me suis dit que c’était toujours bon pour une interprète d’aller chercher une formation physique ailleurs. Très vite, France m’a fait comprendre qu’elle voulait m’amener à un niveau professionnel. Depuis 2014, je fais partie du noyau d’interprètes de la compagnie.»
Elle a également travaillé sous la direction du chorégraphe Dave St-Pierre dans le vidéoclip de Philippe Brach, en plus de jouer dans le film Prends-Moi d’Anaïs Barbeau-Lavalette et dans la pièce Guérilla de l’ordinaire au Théâtre d’aujourd’hui. De toute évidence, quelque chose chez elle attire les créatrices et créateurs. «J’ai longtemps cru que mon handicap serait perçu comme un obstacle, mais je réalise que plusieurs artistes sont intéressés à travailler avec lui. Soit parce que ces personnes explorent l’extrême lenteur dans leurs œuvres. Soit parce qu’elles veulent créer avec des gens qui ont des corps atypiques ou des parcours différents. Ça leur permet d’embrasser la mixité, d’échanger avec nous et de comprendre ce qu’on peut amener dans le processus de création.»
Si les prises de conscience actuelles mettent en lumière la diversité culturelle, sexuelle et de genre, Maxime D-Pomerleau souligne l’importance de penser également à la diversité corporelle et fonctionnelle. Elle s’assurera d’ailleurs de pointer sa caméra et son micro vers des gens qui sont trop rarement sous les feux des projecteurs, au fur et à mesure qu’elle déploiera ses ailes dans le monde du court métrage documentaire.
En 2018, elle a commencé à suivre une personne en fin de vie pour témoigner de ses derniers moments. Et ces jours-ci, elle souhaite que la pandémie se résorbe pour explorer l'idée d'un tournage dans la scène locale montréalaise. «J'ai une amie qui fait de la musique et quand elle m’a dit qu’elle voulait monter un groupe punk entièrement queer et féminin, qui aborde des sujets comme la transidentité, je lui ai dit que je voulais être là pour filmer ça. Je veux faire un rockumentary! C'est quelque chose qui m'intéresse, mais comme tous mes projets, il peut changer ou ne jamais aboutir. Pour moi, ce qui est important, c'est surtout la rencontre.»