Meilleure télé du « Globe »
Par: Mathieu Chantelois, Vice-président des communications et de la promotion, Fonds des médias du Canada
L’annonce des nominations de la 77e cérémonie des Golden Globes est la plus belle offrande que nous pouvons recevoir à l’orée des Fêtes.
Elle est un appel à l’action pour les amoureux du petit et du grand écran que nous sommes. Elle nous incite à prendre le temps de voir (ou revoir) les performances de nos idoles dans les films et séries retenus par l’Association hollywoodienne de la presse étrangère.
Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’année après année plusieurs grosses pointures du cinéma figurent parmi les nommés dans les catégories télévisuelles. L’édition 2020 ne fait pas figure d’exception: trois étoiles oscarisées, Sam Rockwell (Fosse/Verdon), Helen Mirren (Catherine the Great) and Russell Crowe (The Loudest Voice), sont dans la course. Autrefois, les grandes vedettes hollywoodiennes restaient à l’écart de la télévision, croyant qu’une simple apparition au petit écran marquerait le début de la fin de leur carrière.
Mais les mentalités ont évolué, et la télévision a atteint son âge d’or. Elle est désormais la plus grande marchandise mondiale de la culture populaire, car elle offre des histoires universelles dont l’étendue est aussi impressionnante que la portée.
C’est, en effet, incroyable que nous puissions tous suivre une série qui nous parle. Les jeunes de la diversité sexuelle et de genre trouvent réconfort et inspiration devant un épisode de Pose. Les spectateurs plus âgés s’identifient au couple de Last Tango in Halifax formé d’Alan (Derek Jacobi) et Celia (Anne Reid). Les femmes œuvrant dans un milieu d’hommes suivent avec intérêt les enquêtes des sergentes-détectives de District 31.
En 2019, l’inclusivité n’est plus simplement un concept idéalisé, c’est un impératif moral, voire même commercial. Et notre pays semble l’avoir bien compris…
Le vétéran de l'industrie du divertissement et doyen de la faculté des communications et du design de l'Université Ryerson à Toronto, Charles Falzon, a déclaré à CBC News que notre télévision diffère de celle des États-Unis, car « i l y a plus d'inclusivité, plus de diversité, et que les sujets sont traités sous un angle légèrement différent ». Selon lui, créer du contenu qui touche des cordes sensibles à l’étranger est un de nos avantages compétitifs: « Notre manque de ressources est compensé par notre perspective plus internationale. »
Sandra Oh est devenue la première femme d'origine asiatique à remporter deux Golden Globes en janvier et les séries d’ici, comme Pour Sarah, Fugueuse, Les beaux malaises, Letterkenny, Schitt's Creek, Workin’ Moms, Kim's Convenience, sont désormais des produits culturels prisés ou adaptés dans d’autres pays. Le contenu télévisuel produit ou coproduit au Canada aurait même le plus grand potentiel d’exportation en comparaison aux autres marchés – c’est-à-dire la capacité d’attirer une forte demande du public et des acheteurs étrangers, selon une étude réalisée par Parrot Analytics.
L’autre grand facteur qui a conduit à l’âge d’or de la télévision est la vidéo sur demande. En quelques clics, nous pouvons nous replonger dans l’humour québécois des années 90 en visionnant La petite vie puis faire un « retour vers le futur » avec la série de science-fiction anglo-canado-américaine Battlestar Galactica. Les choix et les possibilités sont désormais multiples, car le passé et le présent coexistent dans un même univers télévisuel ou sur une même plateforme.
La vidéo sur demande change aussi notre manière de consommer la télé. Les familles ne se rassemblent plus comme autrefois pour visionner leurs feuilletons préférés autour du téléviseur, grand roi des salons. Aujourd'hui, c’est souvent en solitaire que nous regardons notre série préférée au moment désiré: lors de nos déplacements quotidiens, en file d'attente au supermarché, dans un café… Et nous pouvons le faire sur une myriade d’écrans: ordinateurs portables, tablettes ou téléphones intelligents (mais de grâce, soyez discrets; achetez-vous un casque d’écoute!).
L’instantanéité et l’accessibilité des contenus télévisuels combattent, à leur manière, la plus grande concurrence à laquelle font face les créateurs et distributeurs: nos agendas hyper chargés. Car oui, entre le travail, les courses et les obligations familiales, il nous reste généralement peu de temps pour suivre « religieusement » et en direct nos téléromans favoris le soir.
Bien entendu, il y aura toujours place à l’amélioration dans ce florissant paysage télévisuel. Des histoires de chez nous doivent être racontées, des voix entendues et des visages vus. Mais pour y arriver, l’industrie canadienne doit être financièrement viable et durable. Et, surtout, les spectateurs doivent s’intéresser à ce qui se fait ici et ailleurs.
Alors, jetez un œil attentif à la liste des nominations aux Golden Globes. Puis, réservez-vous du temps pour regarder (seul, en famille ou même devant un véritable téléviseur!) une série en lice pour une statuette. Il peut s’agir d'une production que vous souhaitez voir depuis longtemps ou d’une autre, méconnue, que vous apprendrez à aimer. Osez explorer et remettre en question vos habitudes d’écoute, car la télévision recèle de petits bijoux aussi dorés que... son âge d’or!