Le début d’une nouvelle ère pour Natyf TV

L’ambiance était résolument à la fête le 18 septembre dernier lors de la soirée organisée par Natyf TV pour lancer sa nouvelle programmation et, surtout, célébrer une nouvelle historique. En effet, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a annoncé le 31 août dernier que cette chaîne de télévision francophone, qui fait la part belle à la diversité multiculturelle, sera ajoutée au forfait de base de télévision au Québec, au terme d’une attente de plusieurs mois, rythmés par une pétition qui a réuni 8236 signatures en faveur de l’obtention d’une licence pour la chaîne et plus de 6000 commentaires soumis au CRTC. Une page marquante qui se tourne pour Natyf TV, qui a donné lors de la soirée un aperçu de l’éventail des programmes qui seront proposés à ses téléspectateur·trices au courant de la prochaine année.   

Joie, émotion et fierté étaient palpables chez les nombreuses personnes conviées à la soirée de célébration: professionnel·les de l’industrie, soutiens, amis, membres d’institutions du secteur audiovisuel avaient répondu présent pour fêter avec Natyf TV le début d’un nouveau chapitre pour la chaîne lancée par Jean-Yves Roux en 2018, et jusqu’à présent uniquement disponible par abonnement et distribuée par Bell. Natyf, qui se veut «axée sur la diversité et la découverte des différentes cultures des communautés racisées», avait présenté une demande de licence au CRTC en 2022, afin d’être obligatoirement accessible aux abonnés de tous les câblodistributeurs au Québec. 

Public Natyf
Crédit: Jordan Sully - photo gracieuseté de Natyf Inc.

Après l’audience tenue en janvier 2023, où plusieurs autres chaînes se sont opposées à la démarche de Natyf TV, une grande vague de solidarité et de mobilisation avait pris son élan, avec la création d’une pétition largement partagée et signée et de nombreux témoignages de soutien vis à vis de la chaîne qui se décrit comme un “promoteur du métissage des cultures” et un moyen pour favoriser la représentation des communautés racisées sur les écrans d’ici, en plus de permettre la formation et le développement de nombreux talents issus de ces mêmes communautés, devant et derrière la caméra. La maîtresse de cérémonie a d’ailleurs partagé, dans ses commentaires d’introduction, que “sans tous vos soutiens, cette réussite n’aurait pas été au rendez-vous”. 

Au cours de la soirée, plusieurs producteur·trices, artistes et cinéastes se sont succédé·es sur scène afin de présenter leurs prochaines émissions qui seront diffusées sur Natyf, tout en célébrant ce qui fait la spécificité de la chaîne: une direction qui ressemble à son public cible et en comprend les réalités, ouverte, rassembleuse, avec une vision mettant en avant les histoires multiples et uniques des populations venant d’ici et d’ailleurs. 

Daniela Natyf
Daniela Mujica
Crédit: Jordan Sully - photo gracieuseté de Natyf Inc.

La productrice Daniela Mujica, des productions Ocho, première à être conviée sur scène, a exprimé sa joie de voir débarquer un nouveau joueur dans le paysage télévisuel québécois et francophone: “Natyf vient combler un grand vide dans l’écosystème, offrant l’opportunité à plusieurs communautés sous-représentées de raconter leurs histoires. Je suis confiante que Natyf saura offrir une gamme de contenu variée, diversifiée et de qualité, racontant des histoires universelles qui pourront intéresser la francophonie aux quatre coins du monde. Nous oublions souvent le pouvoir de nos histoires et comment celles-ci peuvent traverser les frontières et toucher un public plus élargi”.

L’actrice et cinéaste Ayana O’Shun, réalisatrice du documentaire Le mythe de la femme noire, sorti en 2022, a expliqué pour sa part les difficultés rencontrées lorsqu’elle avait essayé de faire comprendre aux diffuseurs “classiques” les enjeux et la raison d’être de son film portant sur les stéréotypes néfastes qui perdurent au sujet de la femme noire. Des barrières qui sont naturellement tombées lorsqu’elle a entrepris le même exercice auprès de Natyf, puisque ses dirigeants comprennent parfaitement les réalités exposées dans le documentaire, et l’importance cruciale de déconstruire ces mythes dangereux. La cinéaste a par ailleurs salué les changements positifs qui se produisent dans l’industrie depuis quelques années, y compris au sein des institutions, “en particulier le Fonds des Médias du Canada”.

Ayana Natyf
Bianca Bellange et Ayana O'Shun
Crédit: Jordan Sully - photo gracieuseté de Natyf Inc.

Également invité à partager la scène, Orlando Arriagada, producteur établi et fondateur de la société de production Pimiento, s’est réjoui des changements positifs à long terme qui vont découler de la décision du CRTC: “Je produis depuis 20 ans et j’ai pu voir que les changements sont très lents. De voir aujourd’hui qu’on a une télé, Natyf TV, qui va nous représenter, qui va donner la chance à des personnes qui font leur premier film, premier documentaire, ou série dramatique, et qui n’ont pas eu leur place ailleurs, pour moi ça fait partie d’un moteur de changement. Je pense que Natyf a une mission, une responsabilité, et qu’on doit tous se mettre derrière car je veux que ça perdure très longtemps.” 

L’humoriste Renzel Washington, créateur du collectif Les Bad Boys du rire, s’est ému pour sa part de la “normalisation” prochaine de la présence accrue de contenus pour et par des membres de communautés sous-représentées sur les écrans au Québec: “À partir de l’année prochaine, il y a des enfants pour qui, ce qu’ils vont vivre à la télé, sera la normale. Ça va influencer les gens d’une manière qu’on ne peut même plus imaginer… quand tu commences à te voir toi-même dans ce qui est “normal”... c’est pour ça que je suis ici”, a-t-il partagé.

Jean Yves Nancy
Jean-Yves Roux et Nancy Dubuisson Crédit: Jordan Sully - photo gracieuseté de Natyf Inc.

En fin de soirée, cela a été au tour de Jean-Yves Roux, président et fondateur de la chaîne, et de Nancy Dubuisson, directrice de la programmation, de rejoindre l’estrade, sous un tonnerre d’applaudissements. Nancy Dubuisson est notamment revenue sur les origines de Natyf et du chemin parcouru, parsemé d’embûches: “Aujourd’hui c’est la réponse à tous les sacrifices qu’on a dû faire depuis cinq ans. On était une toute petite équipe, on a tous eu à porter plusieurs chapeaux pour faire face à de très gros défis. Ce sont des années où il a fallu surtout bâtir notre crédibilité, on a eu des portes qui ont été fermées, on a eu beaucoup de refus. Par contre, je peux dire qu’on est fiers aujourd’hui, car on est reconnus par la plupart des organismes de financement.” 

Devenir une chaîne en mesure de déclencher du financement, voilà l’un des changements les plus cruciaux pour Natyf TV, a expliqué Jean-Yves Roux, qui voit d’un bon oeil le fait de bousculer quelque peu le paysage médiatique québécois actuel, un système “peu accessible”, avec seulement une poignée de joueurs qui se partagent la tarte: “Il fallait qu’un indépendant arrive pour brasser les cartes et ouvrir de nouvelles portes”, a t-il conclu.


Gaëlle Essoo
Gaëlle Essoo travaille pour le Fonds des Médias du Canada en tant que rédactrice en chef de la plateforme éditoriale Futur et Médias. Elle est aussi chargée de projets pour l'équipe Croissance & Inclusion. Avant de joindre le FMC, elle travaillait pour la chaîne d’information internationale France 24 en tant que cheffe d’édition pour les programmes consacrés aux droits des femmes à travers le monde. Elle a également été conseillère de presse pour l’Ambassade de France au Canada.
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