Moteur, action, inclusion S2E4: Henri Pardo et Éric Idriss-Kanago
Le duo évoque le succès de Kanaval, la puissance de l’authenticité et du communautarisme afro et l’importance de démultiplier les récits.
Dans cet épisode, Gaëlle Essoo s’entretient avec le tandem de choc producteur/réalisateur que forment Éric Idriss-Kanago et Henri Pardo. Le duo a notamment travaillé ensemble sur Afro Canada, série documentaire portant sur 400 ans d’Histoire des Afro-Canadiens, aventure créative et communautaire qui a posé les jalons de leur collaboration et confirmé leur volonté de transformer le visage de l’industrie.
Après un franc succès au Toronto International Film Festival (TIFF), avec le Prix Amplify Voices pour le meilleur long métrage BIPOC et avec une mention honorable pour le meilleur long-métrage canadien, Kanaval, premier long métrage de fiction du réalisateur Henri Pardo, a également été présenté en première québécoise dans le cadre du festival de films Cinémania.
A l’origine de ce rêve concrétisé, il y a évidemment l’histoire personnelle de Henri Pardo, son propre parcours semé d’embûches et de réussites, mais une rencontre a été déterminante. Mis en relation par une connaissance commune, entre Éric Idriss-Kanago et Henri Pardo, la connexion est quasi immédiate: «Tout de suite, on est rentrés dans la vraie matière», explique le réalisateur. «On s'est observés et puis très vite, à la fin de la soirée, on était en train de parler de nos projets, de s'échanger nos histoires. Et puis bien sûr, à ce moment-là, on voulait déjà changer le monde», confirme Éric Idriss-Kanago. Ce dernier, producteur chevronné avec une expérience significative en Europe et en Afrique, déclare, après avoir lu deux pages du scénario embryonnaire de Kanaval: «Ce sera mon premier film canadien». Promesse tenue.
Le duo accorde une grande importance au prix du meilleur long métrage Amplify voices - BIPOC attribué à Kanaval. «C'est une action très importante de mettre ce focus-là sur les gens sous-représentés. Sous-représentés ne veut pas dire qu'on n'est pas beaucoup. C'est une des choses que je voulais dire en prenant le prix, c'est qu'on est plusieurs, on a d'énormes voix», explique Henri Pardo. Évidemment, ce n’est pas tout de créer et d’attribuer des prix dédiés – le travail de fond, notamment de la part des institutions, est essentiel, précise Éric Idriss-Kanago, qui souligne qu’il y a une pression certaine depuis que de nouvelles mesures ont été mises en place pour soutenir les créateurs et créatrices racisé·es dans l’industrie des écrans. «On avait presque l'obligation de réussir, parce que sinon, on aurait donné raison à tous les gens qui disaient: “Mais vous voyez bien qu'ils ne sont pas capables de faire ça [...] laissez faire. Nous, on sait comment faire. Nous, on a l'habitude de faire ça et donc on va faire pour eux.”».
Le résultat visible à l’écran, selon le duo, est également largement porté par ce qui se passe derrière la caméra. Créer les conditions pour des plateaux de tournage inclusifs, où chacun et chacune peut se sentir libre d’être soi et d’apporter sa pierre à l’édifice, c’est une méthode de travail qu’affectionne particulièrement Henri Pardo et qui demande «une sacrée dose à la fois d’humilité et de confiance en soi», commente Éric Idriss-Kanago. Une méthode qui a déjà fait ses preuves lors du précédent projet sur lequel les deux hommes ont collaboré, soit Afro Canada, la série documentaire sortie en 2022, retraçant 400 ans de l’Histoire des Afrodescendant·es au Canada. «Une véritable école», avec une équipe technique quasi exclusivement composée de personnes racisées, la grande majorité afrodescendantes, le plateau d’Afro-Canada s’était transformé en véritable odyssée communautaire, où bien des talents ont pu enfin s’exprimer.
«J'ai des gens qui vont prendre de leurs de leurs origines, de leur culture, de leurs valeurs et mettre ça directement dans l'œuvre et ça grandit tout. Donc, ça fait en sorte que quand on termine un projet, oui, il est donné au public, mais nous, on a cultivé quelque chose. On a cultivé une façon de faire qu'on amène de projet en projet et ça agrandit l'œuvre», conclut Henri Pardo.