Vous avez été avisé… et avisé: le téléchargement illégal a un peu plus de conséquences au Canada

De plus en plus d’information sur le Régime d’avis et avis a commencé à faire surface. En vertu de celui-ci, suivant une plainte des détenteurs de droits, les fournisseurs de services Internet et les moteurs de recherche seront tenus de faire parvenir des avis de violationaux abonnés qui auraient téléchargé du contenu protégé par le droit d’auteur. La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2015.

Essentiellement, le régime permet aux titulaires de droits (p. ex., le cas de l’avis de Voltage Pictures à TekSavvy) d’envoyer un avis au fournisseur de services Internet (FSI) à l’égard de la violation présumée, que le FSI acheminera par la suite à ses abonnés en fonction des adresses IP liées à la violation présumée.

Le FSI n’est pas tenu de divulguer les renseignements personnels de l’abonné au titulaire de droits, et il n’y a pas d’amende ni de poursuite en justice associée à l’avis. Il s’agit d’un simple avis indiquant que l’adresse IP a été associée à une violation de droit d’auteur par un téléchargement.

Cette modification à la Loi sur la modernisation du droit d’auteur offre une zone de sécurité juridique aux FSI, qui ne seront pas tenus responsables des agissements de leurs abonnés. Le FSI est tenu de conserver ces dossiers pendant six mois au cas où le titulaire de droits d’auteur décidait d’entamer une action en justice.

Vous voilà prévenu !

Selon Michael A. Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique de l’Université d’Ottawa, les limites du nouveau système ont déjà commencé à se faire voir. Réfléchissant sur les conséquences du régime, il a déclaré, dans un récent article du Toronto Star : « Au moins un organisme de lutte contre le piratage établi aux États-Unis s’est servi du régime pour envoyer des avis aux abonnés, mais en déformant la loi canadienne, puisqu’il mentionne des dommages-intérêts américains et soulève la possibilité de suppression des services Internet afin de semer la peur chez les Canadiens et de les inciter à payer les frais de règlement [traduction]. »

En effet, la demande d’avis de la firme de gestion de droits d’auteur américaine Rightscorp cite la loi américaine et précise des frais de règlement, ce qui est en fait illégal en vertu de la politique canadienne. Les titulaires de droits américains ne peuvent communiquer directement avec un abonné canadien particulier.

L’avis doit plutôt être envoyé du titulaire de droits d’auteur au FSI canadien, et, en vertu du nouveau régime, le FSI est tenu de faire parvenir l’avis à l’abonné. Les analystes demandent aux FSI de modifier et de normaliser leurs avis afin d’inclure des références à la loi canadienne ainsi qu’aux droits et responsabilités du destinataire de l’avis, plutôt que de simplement envoyer le gabarit américain, dont le libellé est parfois trompeur.

L’organisme canadien de protection des droits d’auteur Canipre poursuit la distribution de nouveaux avis aux FSI. Tout Canadien qui reçoit un avis d’un FSI devrait connaître ses droits :

  • Le titulaire de droits ne connaît pas l’identité du destinataire, et il devra obtenir une ordonnance du tribunal afin d’entamer un litige éventuel.
  • Les avis ne peuvent inclure de demande de règlement d’un montant donné.
  • La peine maximale en vertu de la loi canadienne s’établit à 5 000 $ pour les particuliers ou à 20 000 $ pour les infractions commerciales (plutôt que 150 000 $, comme aux États-Unis). Aucune amende ne peut être imposée sans poursuite.
  • Une disposition de la loi (même si elle n’a pas encore été ratifiée) prévoit la possibilité d’imposer des frais d’administration pour le traitement d’avis que le FSI doit transmettre à l’abonné.
  • Le compte de l’abonné n’est pas susceptible d’être supprimé.
  • L’avis doit inclure certains renseignements, notamment le titre de l’œuvre protégée par le droit d’auteur, l’adresse IP utilisée, le moment où la violation présumée a eu lieu.
  • La violation ne touche que le contenu téléchargé, et non celui diffusé en continu.

Et les réseaux privés virtuels dans tout ça?

Il est important de tenir compte du fait que, actuellement, les conditions générales du Régime d’avis et avis n’incluent pas les fournisseurs de réseau privé virtuel (RPV), même s’il s’agit d’un important tunnel d’accès pour bon nombre d’internautes qui téléchargent du contenu.

Lorsqu’un abonné utilise un RPV, son adresse IP est masquée, mais il existe des technologies pour détecter si un serveur mandataire a été utilisé, en particulier si le RPV conserve des registres internes (ce que certains font). Un cas récent soulève des préoccupations sur la façon dont les technologies en évolution permettront le suivi de l’usage du RPV, ce qui pourrait faire tomber le bouclier actuel du RPV qui protège les utilisateurs contre le Régime d’avis et avis.



À la suite d’un rapport de Torrentfreak signalant que les abonnés d’un RPV recevaient des messages d’erreur lorsqu’ils tentaient d’accéder aux bibliothèques géobloquées de Netflix par le RPV, des porte-parole officiels ont répondu qu’aucun changement de politique relatif à l’accès anti-RPV de Netflix n’avait été apporté. Cependant, une entente préliminaire de protection de contenu de Netflix fait mention de l’utilisation de technologies de détection du contournement du cloisonnement géographique.

Il est évident que Netflix sent de la pression des studios et des titulaires de droits afin de resserrer ses politiques anti-RPV en vue de prévenir le contournement du cloisonnement géographique du contenu sous licence; la question du piratage sanctionné à moitié a été soulevée au cours des récentes négociations entre Sony et Netflix.

En fait, les versions récentes de l’application Android de Netflix obligent le système public des noms de domaine de Google, plutôt que les paramètres de services de noms de domaine tiers, ce qui empêche les utilisateurs de contourner le cloisonnement géographique. À ce moment, ces caractéristiques ne sont pas apparentes sur la version bureau native, mais il est évident que la technologie peut avancer en vue de déceler toute activité entreprise derrière l’IP masquée.

L'usage par les entreprises du RPV et son noble objectif (dans les pays lourdement censurés, le RPV représente encore la liberté d’accès à l’information), au-delà de l’accès au Netflix américain, signifient que ces services seront probablement de plus en plus accessibles et que leur nombre d’abonnés augmentera. Les RPV ne fermeront pas de sitôt, ni les FSI, qui ne sont peut-être que des gardiens, mais qui sont maintenant cooptés dans la gestion de l’accès.

Bien sûr, les moyens par lesquels les abonnés peuvent avoir accès de façon convenable et économique au contenu en ligne constituent également une activité florissante. Les auditoires en ligne ne sont pas du tout dépourvus de choix, mais certains prendront peut-être une pause avant d’évaluer l’évolution des répercussions du téléchargement illégal.


Renee Robinson
Stratège créative de l’industrie des médias et dirigeante éclairée possédant de l’expérience en gestion dans le domaine de la programmation, de la réglementation et des politiques, ainsi que de la planification stratégique et des renseignements sur l’industrie au Canada et à l’étranger. Avant de s’installer à Toronto en 2008, Renee Robinson a offert des services-conseils en conception de politiques et en renseignements sur l’industrie aux ministres de la Culture, du Divertissement, du Tourisme et des Affaires étrangères de la Jamaïque. Elle détient une maîtrise en communication et culture avec spécialisation en politique des télécommunications.
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